Phobies et autres peurs ancrées. Hors-Série Peurs et Phobies n°15 de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves




© Maya Vincent
Une phobie se définit comme une peur ou une aversion extrême ou irrationnelle pour un objet, une situation. Une des voies pour vaincre peurs et phobies : s’accorder à la réalité, accepter le monde tel qu’il est.

Pour aborder et expliciter les phobies, nous pouvons nous appuyer sur un texte de Paul Watzlawick, docteur en philosophie, une de figures principales de l’Ecole de Palo Alto. Dans son livre Faites vous-même votre malheur, Watzlawick met en lumière certains de nos comportements inadaptés qui expliquent comment une peur, une souffrance peuvent se maintenir des années et s’ancrer dans le quotidien d’une personne. Malgré un discours moqueur et pessimiste, l’auteur laisse entrevoir quelques solutions pour l’approche thérapeutique. Dans le texte qui va suivre, Paul Watzlawick démontre avec humour comment la peur peut être maintenue par un stratagème délirant. L’évitement du problème ne résout rien, et au contraire solidifie le problème.

Traitement de la phobie des éléphants !

Paul Watzlawick : « Eviter les difficultés afin de permettre leur perpétuation. » Le mécanisme principal de ce que nous appellerons la conduite d’évitement est tout entier contenu dans l’anecdote du vieux monsieur qui, dans le train entre Vannes et Angers, ouvrait la fenêtre toutes les dix minutes pour jeter un peu d’une poudre mystérieuse qu’il tirait d’une tabatière d’ivoire. « Qu’est-ce que c’est que cette poudre ? », finit par s’en - quérir un voyageur intrigué par ce manège. - « C’est une poudre anti-éléphants de mon invention, répond le vieil homme. - Mais voyons, il n’y a pas d’éléphants entre Vannes et Angers ! - Eh, pardi, c’est que ma poudre est efficace ! » P.W. : « La morale de cette histoire est que, en évitant une situation ou une difficulté que l’on redoute, on risque, tout en ayant l’air de choisir la solution la plus simple et la plus raisonnable, de perpétuer la situation ou la difficulté que l’on redoute. »

Le vieux monsieur est apaisé par son action de jeter sa poudre efficace contre les éléphants. Donc nous pourrions dire que son remède est efficace ! Son geste semble relever de la logique. Mais de quelle logique s’agit-il ?

Sa perception est restreinte comparée au voyageur qui le questionne. Il est tellement obsédé par sa peur qu’il est prêt à adhérer à toute méthode thérapeutique même délirante. Jeter de la poudre par la fenêtre du train pourrait être une proposition émanant d’un thérapeute formé aux thérapies brèves. Le thérapeute rejoint son patient dans sa peur et lui donne un flacon d’une poudre qui le sécurise. Tout est délirant : la peur des éléphants et la prescription. Mais le problème de fond n’est toujours pas résolu. Watzlawick dit qu’il est entretenu, voire amplifié par de fausses solutions. Le vieux monsieur se crée un problème qui n’existe pas. La bonne solution du problème serait que l’éventuelle rencontre avec des éléphants ne soit plus un problème. Le danger et la possibilité de croiser des éléphants seraient enfin acceptés.

Paul Watzlawick poursuit : « Un grand nombre de nos activités du quotidien recèle un élément de danger. Quelle quantité de risques doit-on accepter d’encourir ? La raison et le bon sens nous soufflent de réduire cette quantité au maximum. »

Nous approchons de la solution : trouver une partition entre l’action volontaire pour réduire les risques potentiels sur lesquels nous pouvons agir, et d’autre part s’installer dans notre impuissance à supprimer tous les autres risques existants et impossibles à prévoir.

Paul Watzlawick donne la liste de tous les dangers contenus dans toutes nos activités même les plus banales. P.W. : « Il est incontestablement plus sûr de se calfeutrer chez soi. » Il décrit le socle de l’agoraphobie : l’aléatoire de l’extérieur est évité. Mais le danger est partout, même chez soi ! P.W. : « La sécurité même du foyer est toute relative. Les escaliers, la cuisine, la salle de bains, les sols glissants, les tapis qui gondolent, les couteaux, les fourchettes, pour ne rien dire du gaz, de l’eau chaude ou de l’électricité... »

La perception restreinte focalise sur tous les risques encourus. Elle provoque la peur. Pour en guérir, il faudrait passer à une perception large (l’hypnose) qui incorpore toutes les peurs et plus encore. Plus encore ce sont les plaisirs de cuisiner, de se laver, de sortir se promener, de voir des amis.

P.W. : « La seule conclusion raisonnable serait de garder le lit... nous devons nous contenter d’une réussite partielle. »
La peur est contraire au mouvement. Toute action comporte un risque : rencontrer une araignée, une guêpe, un rat, des microbes. Donc l’immobilité réduit les risques de « mauvaise rencontre ». La phobie isole la personne et réduit son espace de vie puisque le danger est partout. Ce qui est fuit ne sont pas les couteaux, le gaz ou les éléphants, ce qui est fuit c’est la vie elle-même.

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Dr JEAN-MARC BENHAIEM
Médecin-hypnothérapeute, praticien en centre de traitement de la douleur à l’Hôtel-Dieu (Paris). Dirige le diplôme universitaire d’Hypnose médicale à Paris-VI (Pitié-Salpêtrière). A publié plusieurs livres autour de la pratique de l’hypnose en médecine chez Odile Jacob (L’hypnose ou les portes de la guérison, avec François Roustang), Albin Michel, Trédaniel, In Press.

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Cet ouvrage de 228 pages permet de comprendre les contextes relationnels favorisant les peurs et les phobies. « Le thérapeute, souligne Julien Betbèze, rédacteur en chef, est invité à découvrir une clinique fine qui passe par la différenciation entre trauma et situation angoissante, entre angoisse d’anticipation sans trauma et angoisse d’anticipation post-traumatique. » Vera Likaj, coordinatrice de l’ouvrage, a pensé ce numéro dans une approche plurielle et collaborative : des outils différents, des sensibilités uniques dans des cliniques parfois bien singulières revisitant la peur avec des lunettes culturelles chaque fois nouvelles. 
« J’invite le lecteur, nous dit-elle, à parcourir les articles avec l’œil de l’anthropologue, curieux et discret, s’émerveillant des différences qui viennent nourrir toutes nos rencontres thérapeutiques. »

Retrouvez les abstracts de la revue sur ce lien



Au sommaire : 
- Editorial : Peurs et phobies. L’hypnose comme levier de changement. Julien Betbèze
- Editorial : Et l’insouciance dans tout ça ? Vera Likaj
- Peurs traumatiques, peurs anticipatoires. Eric Bardot
- Peurs et risques psychosociaux au travail. Maxime Bellego
- Phobies. Et autres peurs ancrées. Jean-Marc Benhaiem
- Angoisse et hypnose en gériatrie. Jérôme Bocquet
- La peur de soi dans le processus de guérison. Pascale Chami
- La contrainte comme levier de changement ? Olivier Cottencin
- Croyances et anxiété. Yves Doutrelugne
- Faire corps avec la peur. La clinique de l’étrange. Nathalie Lampole
- Du lâche au héros. Revenir doucement à soi-même. Vera Likaj
- La peur de la peur. Retrouver des sensations qui nous guident. Emmanuel Malphettes
- Thérapie brève des phobies. Courtes réflexions. Dominique Megglé
- Peurs à l’école. Emmanuelle Piquet
- L’hypnose, un outil de gestion des phobies. Que nous apprend la recherche ? Audrey Vanhaudenhuyse et Marie-Elisabeth Faymonville
- Addictions et anxiété. David Vergriete


Tous les Hors-Séries de la Revue sont commandables sur le site www.hypnose-therapie-breve.org


Rédigé le 12/02/2022 à 21:47 | Lu 1268 fois modifié le 18/10/2024

- Vice-Président de France EMDR-IMO - Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO… En savoir plus sur cet auteur