« Toujours plus ». Revue Hypnose et Thérapies Brèves 68.




Me voici dans le plus grand embarras : toujours plus de quoi ? Mais c’est bien pire. Pas eu le temps de me poser cette question que le mot « embarras » m’a coupé toute envie d’en écrire toujours plus. En italien l’on dit : « imbarazzato », me mettant dans l’embarras de savoir comment écrire correctement ce mot en français. Aujourd’hui, cela est devenu un jeu d’enfant, me direz
-vous : il suffit de demander à Internet et vous avez la réponse. Seulement voilà : Internet est le gouffre du toujours plus. Dans le passé, cette tâche était dévolue à l’horaire des trains ou au dictionnaire.

Qui de nous n’a pas, une fois, cherché un horaire pour aller de la gare de « Partons » à la gare de « JarrivePeut-Etre » et, deux heures plus tard, être au courant d’une grande partie du réseau ferroviaire national sauf de l’horaire recherché ? Même chose avec le dictionnaire pour y trouver le mot à six lettres dont la deuxième est un « t » et la quatrième un « s » pour terminer les mots croisés du journal du jour en ayant rendu visite à une multitude de mots.

Je jongle donc avec Internet pour finalement atterrir sur le mot « embarras » dans le site « CNRTL », Centre national de ressources textuelles et lexicales, oui, oui, textuel dans le texte. Et je trouve une série de significations du mot « embarras » qui m’embarrasse toujours plus : embarras des voies respiratoires, embarras gastrique, état de grossesse, obstacle, difficultés, gêne, incertitude intellectuelle. Et, cerise sur le gâteau : embarras du choix.
Je suis toujours plus embarrassé par mon incertitude intellectuelle ne sachant plus quel embarras choisir vu qu’il y a l’embarras du choix qui amplifie toujours plus l’incertitude intellectuelle qui... vous voyez où je veux en venir ? Heureusement il y a la grossesse. Là, je n’ai pas de choix et donc d’embarras non plus. Bien que nous vivons dans un monde d’incertitudes. Pas assez à vos yeux ? Vous en voulez toujours plus ? Vous n’êtes pas certains d’avoir bien suivi le fil rouge de ma pensée ?

Attention à votre vue : ne voyez-vous pas que le fil rouge est imprimé en noir ? Vous devriez donc lire « le fil noir », un peu comme dans le test de Stroop où jaune est écrit en vert pendant que bleu est écrit en rouge qui, lui, apparaît en noir et... clair, non ? Ensuite, prétendre suivre ma pensée est assez présomptueux. Pour suivre une pensée il faudrait déjà qu’elle soit partie, qu’elle soit en route. Mais si ma pensée est partie, c’est la déroute. Etonnant, non ?

C’est fou, les mots. Vous vous mettez en route et vous risquez la déroute, vous vous faites de la bile pour un rien et vous vous trouvez débile, vous vivez au gré des saisons en subissant un continu changement de degrés, vous vous endormez dans votre lit et vous faites un cauchemar de délits, vous prenez un pot et vous le retrouvez au dépôt. Comme quoi il vaut mieux être prudent avant d’ajouter un « de » à son propre nom pour le rendre toujours plus noble. Il est préférable, parfois, de ne pas en vouloir toujours plus.

A propos, c’est bien « Toujours plus » le titre de ce « Quiproquo », non ? Toujours plus de quoi ? Mais c’est bien pire. Pas eu le temps de me poser cette question que... Oh là là ! je vois que je recommence le texte dès le début. Or ce n’était pas le but. Ah, non ! Déjà il y a les mots qui changent en y ajoutant un « de » et voilà que maintenant apparaissent des mots qui changent en enlevant le « de ». Quel « de » ? Le « de » de devant. C’est le vent de panique, je le sens.

Le plus sage, je pense, est d’en faire…

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Dr STEFANO COLOMBO

Médecin psychiatre, psychologue diplômé consultant à la Faculté de Médecine de Genève (enseignement et supervision). Enseigne l’hypnose éricksonienne et la thérapie cognitive en France, Belgique, Suisse

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- Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente dans son édito le contenu de ce n°68 :

Comment devenir un meilleur thérapeute ?

Cette question est au centre de notre pratique, elle implique la « présence » du thérapeute dans une approche centrée sur le corps relationnel, ainsi que la mise en place d’évaluations visant à améliorer la qualité du lien thérapeutique.


. François Cartault nous montre comment le travail sur le deuil implique de retrouver la relation perdue comme étape initiale avant de développer l’autonomie de la personne endeuillée. Dans la séance présentée, le questionnement narratif met en évidence l’importance de décrire les différences et les points communs entre les sujets pour enrichir et faire perdurer la relation.
. Solen Montanari nous décrit la situation d’Elisa, 14 ans, qui a perdu toute confiance, un « truc » l’empêchant de lâcher prise dans la relation de soin. Selon l’approche TLMR (Thérapie du lien et des mondes relationnels) qu’elle pratique, elle intègre sa propre résonance (image d’un iceberg et vécu de chair de poule) pour co-construire un imaginaire partagé où le thérapeute et Elisa regardent ensemble la scène et en ressentent les effets sous forme d’une expérience unique.
. Sylvie Le Pelletier-Beaufond nous fait part de son expérience des séances d’hypnose partagées avec François Roustang. Elle souligne l’importance de la ''présence'' pour François Roustang dans sa manière de constituer une relation thérapeutique. Elle rappelle le principe qui gouverne sa pensée, l’existence de deux registres distincts : une forme discontinue correspondant à la dimension de l’individualité, et une forme continue, un fond, constitué de l’ensemble du système relationnel correspondant à la dimension de la singularité.

Ces trois auteurs mettent en scène ce qui est au centre de l’utilisation de l’hypnose en thérapie : le développement d’un processus coopératif où la présence du thérapeute est renforcée par le fait que ce dernier ne pense pas à la place du sujet.

. Grégoire Vitry et ses collaborateurs nous montrent comment la participation de chaque thérapeute à un réseau d’évaluation de sa propre pratique (Réseau SYPRENE) favorise une amélioration de notre pratique. Dans ce travail de recherche portant sur les effets de l’évaluation de l’alliance thérapeutique et de l’état de bien-être, nous comprenons l’importance de tenir compte de la perception du sujet et de partager avec nos pairs.

- L’édito de Gérard Ostermann dans l’Espace Douleur Douceur souligne l’importance de la capacité du thérapeute à faire un « pas de côté » pour rendre l’hypnose vivante dans les soins.

- Chirurgie maxillo-faciale en mission humanitaire, un article de Christine ALLARY

- Olivier de Palezieux nous parle du placebo

- Corps et espace sécure: changer le monde du patient par Jean-François DESJARDINS

- Dans le dossier consacré aux addictions, une constante est l’absence de confiance dans la relation humaine. Les trois auteurs, Maxime Devars, Anne Surrault et Nathalie Denis, nous proposent différentes manières de se libérer des symptômes bloqueurs de la relation (hyperactivité dans l’anorexie, conduite automatique chez le fumeur). Ils s’appuyent sur leur créativité et un imaginaire donnant toute sa place à la stratégie pour que les sujets puissent se réapproprier leur responsabilité dans le soin.

Nous retrouvons la qualité des chroniques habituelles, l’humour de Stefano et Muhuc, les situations cliniques richement décrites par Sophie Cohen, Adrian Chaboche et Nicolas D’Inca : à lire et à se laisser imprégner.

Ce numéro rend également hommage au Professeur Peter B. Bloom, ancien président de l’ISH qui vient de nous quitter le 10 septembre 2022 à l’âge de 86 ans. Dans une interview donnée à Gérard Fitoussi, il souligne l’importance de la créativité dans notre pratique et son espoir que l’hypnose continue à favoriser les rencontres et à nous faire partager des histoires de vie.

Crédit photo © Michel Eisenlohr


Rédigé le 27/08/2023 à 21:10 | Lu 818 fois modifié le 27/08/2023

- Vice-Président de France EMDR-IMO - Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO… En savoir plus sur cet auteur