« Ah ! c’est pas vrai, ce tram qui traîne, je vais encore louper mon train ! »
Sprint, pas désordonnés, souffle style bison en furie, marches d’escalier dévorées d’un trait et... la petite lumière rouge ou verte sur les portes des wagons qui s’éteint juste devant mes yeux. Raté !
Peu après, les haut-parleurs annoncent :
« Voie 4, entrée de l’IC en direction de Rorschach. Première classe secteurs A et B, deuxième classe secteurs C, D, E, F, wagon- restaurant secteur C, wagon famille secteur F. »
Rorschach ? C’est quoi, me diriez vous. Le test de Rorschach ? Les fameuses planches avec des papillons. Non, non, pas des papil- lons ; des taches ou des formes indéfinies qui peuvent être interprétées par l’observateur. Wikipedia (fr.m.wikipedia.org) donne des exemples d’interprétation personnelle des formes indéfinies ; nuages : « le nuage qui ressemble à une poule ». Faut quand même pas que les œufs pleuvent du ciel, encore moins d’autres éléments bio. Flaques : « la flaque évoque une carte de France ». Oui, oui, sic dans le texte. Une flaque avant ou après la dissolution ? La dissolution des nuages, bien sûr, celle qui permet de clarifier (!) l’univers céleste.
Si vous avez envie d’un voyage – tiens !, tiens ! – il se peut que vous y voyiez des papillons partout. Cela dit, Rorschach ne fait pas référence au psychiatre suisse qui avait mis au point le test de son nom. Nous n’avons pas de train qui vous amène directement au pays de la psychanalyse. Nous y sommes déjà à Zürich avec le Burghölzli, la clinique psychiatrique berceau de la psychanalyse dans le miieu universitaire. Rorschach est une ville portuaire au bord du lac de Constance qui a ses rivages distribués entre Suisse, Allemagne et Autriche. Et là finit le train qui traverse la Suisse d’ouest en est.
Et mon train ? Il en est où ? Il vient de quit- ter la gare, prendre de la vitesse et aussitôt ralentir juste un peu, suffisamment pour faire monter des râles réprobateurs parmi les passagers. Trois minutes de retard ! L’arrivée prévue à 9h44 sera donc à 9h47. Est-ce que vous vous rendez compte ? Déjà la dernière semaine le même train avait deux minutes de retard. La réunion qui m’attend démarre à 10 heures. J’aurai juste le temps de m’asseoir à ma place de rapporteur sur l’importance du temps dans notre société.
Pas de chance, le président a du retard. Nous devons attendre. Combien ? Et nous voilà déjà les yeux rivés sur nos portables où les minutes doivent attendre soixante fois la culbute des secondes. Nous n’avons plus de montre au poignet, nous avons un bras automatisé dans un mouvement poche-yeux, poche-yeux rythmé par les éclairs de l’écran. Des éclairs qui nous aveuglent avec leurs chiffres devenus stériles, anonymes. Nous les cherchons, les voyons, les cachons pour faire de même avec les suivants.
Le temps nous stresse pour ne pas le perdre, alors nous perdons du temps pour combattre le stress. Une fois perdu, nous nous faisons des illusions de le retrouver en le raccourcissant. Mais comment ? Il nous faudra du temps pour trouver l’astuce et, entre-temps, le temps a passé.
Le Chronos, ce temps linéaire et mesurable, nous ronge, nous tourmente, nous dévore. Notre voyage en train n’est plus qu’une suite de minutes, de secondes désordonnées, parfois chaotiques, capables seulement de se rappeler à notre conscience pour savoir si nous réussissons à rattraper le temps au moment d’arriver. Mais arriver où ? Tellement pris par le temps qui passe, nous avons déjà oublié le point de départ. Ne parlons pas alors du point d’arrivée. Par moments, une seule en- vie nous vient : descendre du train, mais pas n’importe comment, non, descendre au plus vite, rattrapés par le chronos, une fois de plus.
Mais de quel train parlons-nous ?
De quel voyage ?
Et si c’était le voyage d’une rencontre ?
Pour lire la suite...
Sprint, pas désordonnés, souffle style bison en furie, marches d’escalier dévorées d’un trait et... la petite lumière rouge ou verte sur les portes des wagons qui s’éteint juste devant mes yeux. Raté !
Peu après, les haut-parleurs annoncent :
« Voie 4, entrée de l’IC en direction de Rorschach. Première classe secteurs A et B, deuxième classe secteurs C, D, E, F, wagon- restaurant secteur C, wagon famille secteur F. »
Rorschach ? C’est quoi, me diriez vous. Le test de Rorschach ? Les fameuses planches avec des papillons. Non, non, pas des papil- lons ; des taches ou des formes indéfinies qui peuvent être interprétées par l’observateur. Wikipedia (fr.m.wikipedia.org) donne des exemples d’interprétation personnelle des formes indéfinies ; nuages : « le nuage qui ressemble à une poule ». Faut quand même pas que les œufs pleuvent du ciel, encore moins d’autres éléments bio. Flaques : « la flaque évoque une carte de France ». Oui, oui, sic dans le texte. Une flaque avant ou après la dissolution ? La dissolution des nuages, bien sûr, celle qui permet de clarifier (!) l’univers céleste.
Si vous avez envie d’un voyage – tiens !, tiens ! – il se peut que vous y voyiez des papillons partout. Cela dit, Rorschach ne fait pas référence au psychiatre suisse qui avait mis au point le test de son nom. Nous n’avons pas de train qui vous amène directement au pays de la psychanalyse. Nous y sommes déjà à Zürich avec le Burghölzli, la clinique psychiatrique berceau de la psychanalyse dans le miieu universitaire. Rorschach est une ville portuaire au bord du lac de Constance qui a ses rivages distribués entre Suisse, Allemagne et Autriche. Et là finit le train qui traverse la Suisse d’ouest en est.
Et mon train ? Il en est où ? Il vient de quit- ter la gare, prendre de la vitesse et aussitôt ralentir juste un peu, suffisamment pour faire monter des râles réprobateurs parmi les passagers. Trois minutes de retard ! L’arrivée prévue à 9h44 sera donc à 9h47. Est-ce que vous vous rendez compte ? Déjà la dernière semaine le même train avait deux minutes de retard. La réunion qui m’attend démarre à 10 heures. J’aurai juste le temps de m’asseoir à ma place de rapporteur sur l’importance du temps dans notre société.
Pas de chance, le président a du retard. Nous devons attendre. Combien ? Et nous voilà déjà les yeux rivés sur nos portables où les minutes doivent attendre soixante fois la culbute des secondes. Nous n’avons plus de montre au poignet, nous avons un bras automatisé dans un mouvement poche-yeux, poche-yeux rythmé par les éclairs de l’écran. Des éclairs qui nous aveuglent avec leurs chiffres devenus stériles, anonymes. Nous les cherchons, les voyons, les cachons pour faire de même avec les suivants.
Le temps nous stresse pour ne pas le perdre, alors nous perdons du temps pour combattre le stress. Une fois perdu, nous nous faisons des illusions de le retrouver en le raccourcissant. Mais comment ? Il nous faudra du temps pour trouver l’astuce et, entre-temps, le temps a passé.
Le Chronos, ce temps linéaire et mesurable, nous ronge, nous tourmente, nous dévore. Notre voyage en train n’est plus qu’une suite de minutes, de secondes désordonnées, parfois chaotiques, capables seulement de se rappeler à notre conscience pour savoir si nous réussissons à rattraper le temps au moment d’arriver. Mais arriver où ? Tellement pris par le temps qui passe, nous avons déjà oublié le point de départ. Ne parlons pas alors du point d’arrivée. Par moments, une seule en- vie nous vient : descendre du train, mais pas n’importe comment, non, descendre au plus vite, rattrapés par le chronos, une fois de plus.
Mais de quel train parlons-nous ?
De quel voyage ?
Et si c’était le voyage d’une rencontre ?
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STEFANO COLOMBO Médecin psychiatre, psychologue diplômé consultant à la Faculté de Médecine de Genève (enseignement et supervision). Enseigne l’hypnose éricksonienne et la thérapie cognitive en France, Belgique, Suisse et Italie. Conférencier.
MOHAND CHÉRIF SI AHMED (alias Muhuc). Psychiatre en libéral à Rennes. Formation en hypnose et thérapies brèves. Pratique des thérapies à médiations artistiques. Utilise particulièrement le dessin humoristique de situation en thérapie (pictodrame humoristique). Illustrateur et intervenant par le dessin d’humour lors de rencontres et congrès médicaux.
MOHAND CHÉRIF SI AHMED (alias Muhuc). Psychiatre en libéral à Rennes. Formation en hypnose et thérapies brèves. Pratique des thérapies à médiations artistiques. Utilise particulièrement le dessin humoristique de situation en thérapie (pictodrame humoristique). Illustrateur et intervenant par le dessin d’humour lors de rencontres et congrès médicaux.
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N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv. 2025
Les interactions pour favoriser un changement
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :
Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.
. Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.
. Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.
. L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.
. David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.
Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.
. Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.
. Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.
. A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.
. Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.
Les rubriques :
. Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
. Adrian Chaboche : La présence
. Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
. Psychotrauma, PTR, EMDR
. Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
Les interactions pour favoriser un changement
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :
Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.
. Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.
. Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.
. L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.
. David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.
Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.
. Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.
. Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.
. A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.
. Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.
Les rubriques :
. Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
. Adrian Chaboche : La présence
. Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
. Psychotrauma, PTR, EMDR
. Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal