- « Docteur, je navigue en eau trouble.
- Habitez-vous proche d’un lac ?
- Oui.
- Proche de la rive ?
- Oui.
- Et il n’y a pas de station d’épuration des eaux ?
- Pardon ?
- Ou n’y a-t-il pas une usine de ciment, de produits chimiques, je ne sais pas, quelque chose de similaire ?
- Six mille airs ? Mais c’est l’eau qui est trouble, pas l’air.
- Je voulais dire : quelque chose d’équivalent ?
- Qui va lent ? J’sais pas. Moi, je suis pressée.
- Vivez-vous au centre-ville ?
- Non, je suis en pleine campagne.
- Ah ! Et il y a un élevage industriel de cochons !
- Pas du tout.
- Eurêka !
- Etes-vous suisse ? Uilisez-vous l’argent alternatif Reka, style un franc suisse qui coûte moins d’un franc suisse pour vos vacances en famille ?
- Suisse ou pas, j’ai trouvé : c’est la période de canicule intense et durature que nous venons de traverser qui a provoqué une prolifération catastrophique de cyanobactéries communément appelées algues vertes ou bleu-vert qui colorent nos lacs tel le peintre qui, après avoir trébuché sur un des cadres gisant par terre, vient de renverser son pot de peinture recouvrant le sol de son atelier. Magique, magnifique, mais hélas toxique. »
- « Vous me troublez, Docteur.
- Attendez ! Vous étiez déjà en eau trouble ou eaux troubles avant de me rencontrer.
- Oui, je vous l’ai dit d’emblée.
- Comment pourrais-je alors vous troubler si vous voyiez déjà tout trouble ?
- Je ne vois pas double ! J’étais chez l’ophtalmologue avant-hier et je viens de changer de lunettes.
- Trouble ! Et la buée peut rendre la vision trouble.
- Je coule, docteur, je ne trouve même pas la bouée !
- La buée avec “u” et sans “o”.
- Si seulement il n’y avait pas d’eau ; c’en est plein et trouble. Vous êtes un trublion, Docteur, avec “u” et sans “o”.
- Sans os ? Je suis ici, devant vous, en chair et en os.
- C’est bien ce qui me trouble. Passons les os, mais le fait que vous soyez cher ne me laisse pas indifférente. »
- « Chère Madame, je...
- Suis pas chère, moi. Avec ma retraite croyez-vous que je vais loin ?
- A votre place j’en serais heureux : naviguer en eaux troubles est dangereux, il vaut mieux ne pas aller loin. Cela dit, avec quelle embarcation naviguez-vous ?
- Ma barque prend l’eau de tous côtés.
- Vous n’avez pas fait l’entretien régulier.
- Mais, Docteur, vous ne connaissez pas les métaphores ?
- Dans mes relations ? Je ne crois pas. Faudra que je demande à ma femme, mais à première vue c’est un nom qui ne me dit rien.
- Je coule !
- Fait trop chaud, je sais.
- Je commence à y voir plus clair.
- Vous voyez, vingt minutes d’un riche échange et vous êtes déjà mieux.
- Vous naviguez dans des eaux encore plus troubles que les miennes. Vous devriez consulter.
- C’est bien ce que je suis en train de faire.
- Vous n’êtes pas en train, vous êtes au bureau.
- Je ne vous suis pas.
- Je ne suis pas partie.
- Cette repartie, je ne l’attendais pas.
- Si je ne suis pas partie, je ne peux pas être repartie.
- En effet, vous devriez d’abord être revenue.
- Revenue de loin, c’est le cas de le dire.
- De l’écrire ! Vous voyez bien que je prends des notes.
- De musique ?
- Des notes personnelles.
- Ah ! excusez-moi, je ne voulais pas être indiscrète. Continuez seulement à faire votre correspondance.
- Aucun pont dance, ici. Vous me donnez l’impression d’être sur un pont suspendu au
-dessus du vide.
- Parce que vous, Docteur, vous traversez des ponts sans vide dessous et posés sur du terre
-plein ?
- J’en ai plein le dos.
- Oh ! je vous admire, vous avez de la peine avec votre dos et vous travaillez quand-même.
- Justement, on va faire une pause.
- C’est payé ?
- Quoi ?
- La pause ! Simple question syndicale.
- Si Syndi cale, moi je coule.
- Vous aussi ? C’est troublant. » Voici donc un exemple de première consultation. Pour des raisons de secret professionnel et de respect pour les personnes, j’ai omis toute référence pouvant suggérer l’identité de la patiente et, encore plus, celle du médecin. N’empêche, nous sommes forcés de constater que…
… Lire la suite et commandez la Revue Hypnose et Thérapies Brèves
- Habitez-vous proche d’un lac ?
- Oui.
- Proche de la rive ?
- Oui.
- Et il n’y a pas de station d’épuration des eaux ?
- Pardon ?
- Ou n’y a-t-il pas une usine de ciment, de produits chimiques, je ne sais pas, quelque chose de similaire ?
- Six mille airs ? Mais c’est l’eau qui est trouble, pas l’air.
- Je voulais dire : quelque chose d’équivalent ?
- Qui va lent ? J’sais pas. Moi, je suis pressée.
- Vivez-vous au centre-ville ?
- Non, je suis en pleine campagne.
- Ah ! Et il y a un élevage industriel de cochons !
- Pas du tout.
- Eurêka !
- Etes-vous suisse ? Uilisez-vous l’argent alternatif Reka, style un franc suisse qui coûte moins d’un franc suisse pour vos vacances en famille ?
- Suisse ou pas, j’ai trouvé : c’est la période de canicule intense et durature que nous venons de traverser qui a provoqué une prolifération catastrophique de cyanobactéries communément appelées algues vertes ou bleu-vert qui colorent nos lacs tel le peintre qui, après avoir trébuché sur un des cadres gisant par terre, vient de renverser son pot de peinture recouvrant le sol de son atelier. Magique, magnifique, mais hélas toxique. »
- « Vous me troublez, Docteur.
- Attendez ! Vous étiez déjà en eau trouble ou eaux troubles avant de me rencontrer.
- Oui, je vous l’ai dit d’emblée.
- Comment pourrais-je alors vous troubler si vous voyiez déjà tout trouble ?
- Je ne vois pas double ! J’étais chez l’ophtalmologue avant-hier et je viens de changer de lunettes.
- Trouble ! Et la buée peut rendre la vision trouble.
- Je coule, docteur, je ne trouve même pas la bouée !
- La buée avec “u” et sans “o”.
- Si seulement il n’y avait pas d’eau ; c’en est plein et trouble. Vous êtes un trublion, Docteur, avec “u” et sans “o”.
- Sans os ? Je suis ici, devant vous, en chair et en os.
- C’est bien ce qui me trouble. Passons les os, mais le fait que vous soyez cher ne me laisse pas indifférente. »
- « Chère Madame, je...
- Suis pas chère, moi. Avec ma retraite croyez-vous que je vais loin ?
- A votre place j’en serais heureux : naviguer en eaux troubles est dangereux, il vaut mieux ne pas aller loin. Cela dit, avec quelle embarcation naviguez-vous ?
- Ma barque prend l’eau de tous côtés.
- Vous n’avez pas fait l’entretien régulier.
- Mais, Docteur, vous ne connaissez pas les métaphores ?
- Dans mes relations ? Je ne crois pas. Faudra que je demande à ma femme, mais à première vue c’est un nom qui ne me dit rien.
- Je coule !
- Fait trop chaud, je sais.
- Je commence à y voir plus clair.
- Vous voyez, vingt minutes d’un riche échange et vous êtes déjà mieux.
- Vous naviguez dans des eaux encore plus troubles que les miennes. Vous devriez consulter.
- C’est bien ce que je suis en train de faire.
- Vous n’êtes pas en train, vous êtes au bureau.
- Je ne vous suis pas.
- Je ne suis pas partie.
- Cette repartie, je ne l’attendais pas.
- Si je ne suis pas partie, je ne peux pas être repartie.
- En effet, vous devriez d’abord être revenue.
- Revenue de loin, c’est le cas de le dire.
- De l’écrire ! Vous voyez bien que je prends des notes.
- De musique ?
- Des notes personnelles.
- Ah ! excusez-moi, je ne voulais pas être indiscrète. Continuez seulement à faire votre correspondance.
- Aucun pont dance, ici. Vous me donnez l’impression d’être sur un pont suspendu au
-dessus du vide.
- Parce que vous, Docteur, vous traversez des ponts sans vide dessous et posés sur du terre
-plein ?
- J’en ai plein le dos.
- Oh ! je vous admire, vous avez de la peine avec votre dos et vous travaillez quand-même.
- Justement, on va faire une pause.
- C’est payé ?
- Quoi ?
- La pause ! Simple question syndicale.
- Si Syndi cale, moi je coule.
- Vous aussi ? C’est troublant. » Voici donc un exemple de première consultation. Pour des raisons de secret professionnel et de respect pour les personnes, j’ai omis toute référence pouvant suggérer l’identité de la patiente et, encore plus, celle du médecin. N’empêche, nous sommes forcés de constater que…
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STEFANO COLOMBO Médecin psychiatre, psychologue diplômé consultant à la Faculté de Médecine de Genève (enseignement et supervision). Enseigne l’hypnose éricksonienne et la thérapie cognitive en France, Belgique, Suisse et Italie. Conférencier.
MOHAND CHÉRIF SI AHMED (alias Muhuc). Psychiatre en libéral à Rennes. Formation en hypnose et thérapies brèves. Pratique des thérapies à médiations artistiques. Utilise particulièrement le dessin humoristique de situation en thérapie (pictodrame humoristique). Illustrateur et intervenant par le dessin d’humour lors de rencontres et congrès médicaux.
MOHAND CHÉRIF SI AHMED (alias Muhuc). Psychiatre en libéral à Rennes. Formation en hypnose et thérapies brèves. Pratique des thérapies à médiations artistiques. Utilise particulièrement le dessin humoristique de situation en thérapie (pictodrame humoristique). Illustrateur et intervenant par le dessin d’humour lors de rencontres et congrès médicaux.
