Chères lectrices, chers lecteurs, Selon une légende arabe, perroquet, « babagha », voudrait dire « celui qui en veut au père ».
Nous avons tous voulu apprendre de nos pères, nos pairs, maîtres, profs et autres formateurs. Nous avons tous été un « jeune » apprenant à vouloir percer les mystères de cette énigmatique hypnose. Le regard admirant est celui qui nous aide à investir l’Autre – celui dont on pense qu’il Sait – du pouvoir de nous instruire. On attend de lui qu’il nous transmette ce savoir en nous livrant ses secrets. Il nous faut des modèles pour apprendre, autant que si l’on nous expliquait tout de la pêche sans nous montrer, nous ne ferions rien. Nous voulons voir notre maître manier la canne à pêche comme le formateur les suggestions pensant que ce sont ses moulinets qui nous en rendront savants...
Et puis on se lance dans les exercices et expériences autant qu’on jette maladroitement notre ligne de pêche avec des mots hésitants comme si nous ne savions pas trop comment attraper le ton juste, non comme un poisson, mais une pêche miraculeuse ! Et à côté, du coin de l’œil, on tend l’oreille à observer s’il est content, le formateur. De nous ! Et puis quand même, il est si bon. Son ton, ses phrases, son rythme, et que de suggestions qui tombent juste. Alors qui de nous n’a jamais « fait pareil » ? Aucun ! Nous avons tous appris en prenant et imitant de cet Autre ce que l’on magnifie car on y voit la facilité, tandis que lui sait que son expérience c’est toutes les heures qu’il a passées en face d’un patient à ne pas savoir... Nous avons tous fait comme lui ou elle. On a fait du Julien Betbèze (petit clin d’oeil), du Gérard Salem, du Jean-Marc Benhaiem, ou du Milton Erickson, et autres encore ! Bien sûr. Nous avons appris en prenant, c’est nécessaire, et cet Autre, il nous a donné généreusement. Le Savoir est la seule matière qui augmente quand on la partage. Il y a même un prophète qui multipliait le pain en le rompant, non ? Peut-être parlait-il de nourriture spirituelle ?
Mais se nourrir de l’Autre donne faim, et nous avons tous eu de l’appétit, de plus en plus, à en vouloir encore. Une formation et encore une autre. Parfois davantage pour me rassurer que pour en savoir plus. En prendre plus, faire au plus proche, nous inspirer jusqu’à imiter. Le bon geste et les justes mots se trouvent en répétant comme si, de l’expérience courante, il faut « en bouffer » pour progresser... Passer de l’Autre qui sait à nous qui ne sachons pas assez n’est pas une chose aisée. Car c’est se donner de la confiance. Souvent l’apprentissage de l’hypnose nous éloigne de nos zones de confort habituelles : oser avancer sans protocole et sans théorie longuement étudiée est presque à l’encontre de nos habitus car nous nous sommes toujours entendu dire qu’il fallait en savoir beaucoup pour faire. Rarement l’inverse. L’hypnose chamboule car vient nous dire de faire pour en savoir plus : c’est une voie de l’expérience. Alors il est normal que dans la voix de cet Autre qui sait on aimerait s’approprier les mêmes mots dans sa bouche. « Qui en veut au père », comme le dit cette légende arabe, nous montre aussi notre propre ambivalence. Je « t’envie » illustre comme nos mots mélangent le désir et le fait de s’approprier ce que je fantasme que l’Autre a et que je n’ai pas... Encore une autre expression ambiguë, « on lui en voudrait » en dit encore de cette curieuse ambivalence.
Mais quand le perroquet invente-t-il ? Nous construisons tous une bonne idée de ce qu’il faut être et faire pour l’hypnose. Les façons, la posture, les techniques façonnent notre cerveau en créant de nouvelles connexions de nos neurones. Les utilisant et les répétant nous renforçons les synapses de ces cellules comme des chemins qui deviennent des routes puis des autoroutes. Mais en même temps, que ces découvertes pédagogiques et aventures neurologiques nous fatiguent. Alors notre cerveau cherche en même temps à s’économiser : nos autoroutes neuronales sont des barrières pour empêcher les mauvaises herbes de revenir, pour ne pas oublier trop vite et pour qu’à chaque fois nous ne recommencions pas tout à zéro. Nous sentons que nous avons acquis des connaissances qui restent et qui nous permettent d’aller plus vite et plus facilement, ce qui est rassurant et reposant. Mais... alors quid de la créativité ? Nos autoroutes, fleurons de notre productivité, se mettent à nous éloigner de jolis paysages que nous n’explorons plus. Bientôt nos schémas mentaux sont à risque de nous empêcher de remettre en question nos savoirs pour explorer. Et ne plus créer. Le perroquet peut devenir savant ! S’il utilise lui-même ses mots dans un ordre différent de celui auprès de qui il a appris, il devient un peu plus lui-même et moins cet Autre qui lui a tant donné...
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Nous avons tous voulu apprendre de nos pères, nos pairs, maîtres, profs et autres formateurs. Nous avons tous été un « jeune » apprenant à vouloir percer les mystères de cette énigmatique hypnose. Le regard admirant est celui qui nous aide à investir l’Autre – celui dont on pense qu’il Sait – du pouvoir de nous instruire. On attend de lui qu’il nous transmette ce savoir en nous livrant ses secrets. Il nous faut des modèles pour apprendre, autant que si l’on nous expliquait tout de la pêche sans nous montrer, nous ne ferions rien. Nous voulons voir notre maître manier la canne à pêche comme le formateur les suggestions pensant que ce sont ses moulinets qui nous en rendront savants...
Et puis on se lance dans les exercices et expériences autant qu’on jette maladroitement notre ligne de pêche avec des mots hésitants comme si nous ne savions pas trop comment attraper le ton juste, non comme un poisson, mais une pêche miraculeuse ! Et à côté, du coin de l’œil, on tend l’oreille à observer s’il est content, le formateur. De nous ! Et puis quand même, il est si bon. Son ton, ses phrases, son rythme, et que de suggestions qui tombent juste. Alors qui de nous n’a jamais « fait pareil » ? Aucun ! Nous avons tous appris en prenant et imitant de cet Autre ce que l’on magnifie car on y voit la facilité, tandis que lui sait que son expérience c’est toutes les heures qu’il a passées en face d’un patient à ne pas savoir... Nous avons tous fait comme lui ou elle. On a fait du Julien Betbèze (petit clin d’oeil), du Gérard Salem, du Jean-Marc Benhaiem, ou du Milton Erickson, et autres encore ! Bien sûr. Nous avons appris en prenant, c’est nécessaire, et cet Autre, il nous a donné généreusement. Le Savoir est la seule matière qui augmente quand on la partage. Il y a même un prophète qui multipliait le pain en le rompant, non ? Peut-être parlait-il de nourriture spirituelle ?
Mais se nourrir de l’Autre donne faim, et nous avons tous eu de l’appétit, de plus en plus, à en vouloir encore. Une formation et encore une autre. Parfois davantage pour me rassurer que pour en savoir plus. En prendre plus, faire au plus proche, nous inspirer jusqu’à imiter. Le bon geste et les justes mots se trouvent en répétant comme si, de l’expérience courante, il faut « en bouffer » pour progresser... Passer de l’Autre qui sait à nous qui ne sachons pas assez n’est pas une chose aisée. Car c’est se donner de la confiance. Souvent l’apprentissage de l’hypnose nous éloigne de nos zones de confort habituelles : oser avancer sans protocole et sans théorie longuement étudiée est presque à l’encontre de nos habitus car nous nous sommes toujours entendu dire qu’il fallait en savoir beaucoup pour faire. Rarement l’inverse. L’hypnose chamboule car vient nous dire de faire pour en savoir plus : c’est une voie de l’expérience. Alors il est normal que dans la voix de cet Autre qui sait on aimerait s’approprier les mêmes mots dans sa bouche. « Qui en veut au père », comme le dit cette légende arabe, nous montre aussi notre propre ambivalence. Je « t’envie » illustre comme nos mots mélangent le désir et le fait de s’approprier ce que je fantasme que l’Autre a et que je n’ai pas... Encore une autre expression ambiguë, « on lui en voudrait » en dit encore de cette curieuse ambivalence.
Mais quand le perroquet invente-t-il ? Nous construisons tous une bonne idée de ce qu’il faut être et faire pour l’hypnose. Les façons, la posture, les techniques façonnent notre cerveau en créant de nouvelles connexions de nos neurones. Les utilisant et les répétant nous renforçons les synapses de ces cellules comme des chemins qui deviennent des routes puis des autoroutes. Mais en même temps, que ces découvertes pédagogiques et aventures neurologiques nous fatiguent. Alors notre cerveau cherche en même temps à s’économiser : nos autoroutes neuronales sont des barrières pour empêcher les mauvaises herbes de revenir, pour ne pas oublier trop vite et pour qu’à chaque fois nous ne recommencions pas tout à zéro. Nous sentons que nous avons acquis des connaissances qui restent et qui nous permettent d’aller plus vite et plus facilement, ce qui est rassurant et reposant. Mais... alors quid de la créativité ? Nos autoroutes, fleurons de notre productivité, se mettent à nous éloigner de jolis paysages que nous n’explorons plus. Bientôt nos schémas mentaux sont à risque de nous empêcher de remettre en question nos savoirs pour explorer. Et ne plus créer. Le perroquet peut devenir savant ! S’il utilise lui-même ses mots dans un ordre différent de celui auprès de qui il a appris, il devient un peu plus lui-même et moins cet Autre qui lui a tant donné...
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Dr ADRIAN CHABOCHE
Spécialiste en médecine générale et globale au Centre Vitruve. Il est praticien attaché au Centre de traitement de la douleur CHU Ambroise- Paré. Il enseigne au sein du DU Hypnoanalgésie et utilisation de techniques non pharmacologiques dans le traitement de la douleur, Université de Versailles
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°73 :
''En thérapie brève, comme en hypnose formelle, le thérapeute doit posséder de solides connaissances cliniques et la capacité à rentrer dans une transe partagée avec le sujet qu’il accompagne. A partir de cette expérience relationnelle, le thérapeute va poser des questions pour permettre au sujet de se décaler de l’histoire pathologique dans laquelle il est enfermé.''
Jérémie Roos nous montre comment l’utilisation du questionnement externalisant va permettre chez une jeune femme de 20 ans, prise dans une histoire de conflit de loyauté, de TOC et de surpoids, d’ouvrir un espace de liberté où elle pourra assumer ses prises de décision et trouver la force de renégocier sa place dans les relations. Je vous propose ensuite un texte où je développe un certain nombre de chemins pour « reprendre confiance dans le lien humain », quand celui-ci a été détruit par des vécus traumatiques. Il n’y a qu’à partir d’une expérience de sécurité, en lien avec une confiance retrouvée, que le sujet est en capacité de faire face aux effets du trauma.
Bernard Mayer souligne l’importance du travail avec le corps dans la désensibilisation des traumas. A travers le cas d’Eglantine, il nous fait percevoir l’importance du travail avec le Système nerveux autonome pour remettre en mouvement les processus de réassociation.
Dans l’« Espace Douleur Douceur », Gérard Ostermann nous présente le travail de trois praticiens :
- Dans le cas d’une douleur d’épaule, Michel Dumas nous indique comment l’hypnose favorise la réconciliation avec cette partie du corps isolée par la douleur.
- Christophe Hardy nous ouvre à l’utilisation hypnotique du « swiss ball » pour redonner du mouvement à un dos enfermé dans la lombalgie.
- Laurence Dalem nous rappelle l’importance des soins palliatifs et combien la relation n’appartient jamais à une personne, mais est toujours partagée.
- Dans le dossier thématique ''Interroger nos pratiques'', Guillaume Delannoy et Nathalie Koralnik nous font comprendre qu’aucun thérapeute n’est à l’abri de faire une « mauvaise séance » et ils développent ainsi un mode d’emploi en 20 points pour s’empêcher de réussir !
Vous pouvez en profiter pour lire le « Quiproquo » de Stefano Colombo sur l’échec, illustré avec humour par Muhuc, afin de comprendre pourquoi l’hypnose, on ne peut pas la réussir, avec un grand avantage : pas de réussite, pas d’échec !
J’ai eu le grand plaisir d’interviewer Dominique Megglé à la suite de la publication de son livre ''Les chaussettes trouées'', synthèse des points importants émergeant de sa longue expérience de clinicien. Il évoque l’importance de penser la psychopathologie à partir de l’hypnopathologie. Voilà une position novatrice qui ouvre de nouvelles perspectives pour nous interroger sur la pertinence de nos pratiques.
Stéphane Radoykov questionne également sa pratique, tout en acceptant ses limites, il recherche des améliorations en sortant par exemple du piège des automatismes. Il fait référence aux questionnaires de Scott D. Miller, essentiels pour se situer dans une dimension de co-construction pour ouvrir des possibles.
Adrian Chaboche nous rappelle la phrase d’Erickson pour nous inciter à être créatifs : « N’imitez pas. Soyez naturellement vous-même. J’ai passé du temps à essayer d’imiter d’autres, ce fut un désastre ! »
Sophie Cohen utilise « l’arbre de vie » pour aider Hélène à se libérer des relations dysfonctionnelles transgénérationnelles et s’autoriser à construire sa propre histoire en lien avec ses valeurs préférées.
''En thérapie brève, comme en hypnose formelle, le thérapeute doit posséder de solides connaissances cliniques et la capacité à rentrer dans une transe partagée avec le sujet qu’il accompagne. A partir de cette expérience relationnelle, le thérapeute va poser des questions pour permettre au sujet de se décaler de l’histoire pathologique dans laquelle il est enfermé.''
Jérémie Roos nous montre comment l’utilisation du questionnement externalisant va permettre chez une jeune femme de 20 ans, prise dans une histoire de conflit de loyauté, de TOC et de surpoids, d’ouvrir un espace de liberté où elle pourra assumer ses prises de décision et trouver la force de renégocier sa place dans les relations. Je vous propose ensuite un texte où je développe un certain nombre de chemins pour « reprendre confiance dans le lien humain », quand celui-ci a été détruit par des vécus traumatiques. Il n’y a qu’à partir d’une expérience de sécurité, en lien avec une confiance retrouvée, que le sujet est en capacité de faire face aux effets du trauma.
Bernard Mayer souligne l’importance du travail avec le corps dans la désensibilisation des traumas. A travers le cas d’Eglantine, il nous fait percevoir l’importance du travail avec le Système nerveux autonome pour remettre en mouvement les processus de réassociation.
Dans l’« Espace Douleur Douceur », Gérard Ostermann nous présente le travail de trois praticiens :
- Dans le cas d’une douleur d’épaule, Michel Dumas nous indique comment l’hypnose favorise la réconciliation avec cette partie du corps isolée par la douleur.
- Christophe Hardy nous ouvre à l’utilisation hypnotique du « swiss ball » pour redonner du mouvement à un dos enfermé dans la lombalgie.
- Laurence Dalem nous rappelle l’importance des soins palliatifs et combien la relation n’appartient jamais à une personne, mais est toujours partagée.
- Dans le dossier thématique ''Interroger nos pratiques'', Guillaume Delannoy et Nathalie Koralnik nous font comprendre qu’aucun thérapeute n’est à l’abri de faire une « mauvaise séance » et ils développent ainsi un mode d’emploi en 20 points pour s’empêcher de réussir !
Vous pouvez en profiter pour lire le « Quiproquo » de Stefano Colombo sur l’échec, illustré avec humour par Muhuc, afin de comprendre pourquoi l’hypnose, on ne peut pas la réussir, avec un grand avantage : pas de réussite, pas d’échec !
J’ai eu le grand plaisir d’interviewer Dominique Megglé à la suite de la publication de son livre ''Les chaussettes trouées'', synthèse des points importants émergeant de sa longue expérience de clinicien. Il évoque l’importance de penser la psychopathologie à partir de l’hypnopathologie. Voilà une position novatrice qui ouvre de nouvelles perspectives pour nous interroger sur la pertinence de nos pratiques.
Stéphane Radoykov questionne également sa pratique, tout en acceptant ses limites, il recherche des améliorations en sortant par exemple du piège des automatismes. Il fait référence aux questionnaires de Scott D. Miller, essentiels pour se situer dans une dimension de co-construction pour ouvrir des possibles.
Adrian Chaboche nous rappelle la phrase d’Erickson pour nous inciter à être créatifs : « N’imitez pas. Soyez naturellement vous-même. J’ai passé du temps à essayer d’imiter d’autres, ce fut un désastre ! »
Sophie Cohen utilise « l’arbre de vie » pour aider Hélène à se libérer des relations dysfonctionnelles transgénérationnelles et s’autoriser à construire sa propre histoire en lien avec ses valeurs préférées.